Chambre 423, un autre regard.
Bientôt 3 mois qu'il a fermé les yeux
pour une nouvelle aventure. Et je me dis que ce laps de temps
correspond à la période d'hospitalisation (en structure et à la
maison). La balance s'équilibre, et peut être que ce laps de temps
est nécessaire pour écrire, poser le vécu, l'évacuer sans pour
autant l'assimiller à un déchet que l'on souhaite soustraire au
regard en tirer une chasse d'eau. Un peu comme un accouchement après
3 mois de travail.
Chambre 423, un simple numéro pour
certains, quasi deux mois de souvenirs pour moi.
Je ne sais pas par quel bout prendre ce
billet, ni dans quel ordre. Il me faut du temps pour remettre un peu
d'ordre dans mes souvenirs, dans la chronologie.
Pour moi, et c'est ma vision toute
personnelle et subjective, le début de cet épilogue démarre avec
la pose de la gpe, tant attendue après des semaines à être promené
à droite à gauche.
Enfin, un choix clair, une information
à peu près claire sur les risques, les buts visés, ce que ça
permettrait.
L'opération se déroule bien, il a le
sourire, une lueur d'espoir et d'optimisme, non pas sur l'échéance
à venir, mais sur le temps restant à profiter de la vie, de la
famille, des amis.
Quelques heures à attendre pour mettre
en place l'alimentation via la gpe. D'abord tester avec de l'eau,
pour vérifier l'efficacité avant d'y mettre du nutritif, si ma
mémoire ne me joue pas de tour.
Cela se déroule sur une nuit, nous
sommes confiants, optimistes.
Le matin, je décide de venir seul, de
bonne heure, pour voir comment ça s'est déroulé.
Rejet. Un simple mot, mais qui en dit
long. L'estomac n'a pas vraiment supporté l'intronisation d'un
« aliment » après tant de mois de diète forcée. Le
padré a vomit, à plusieurs reprises. De l'incompréhension pour
lui, et un terrible constat amer pour moi qui me confirme un
pressenti déjà en place avant la pose de la gpe, à savoir que
c'est peut être « trop » tard.
Il ne souhaite pas être vu par sa
fille, ni par sa femme. La peur de choquer ou de briser l'espoir.
Mais elles viennent quand même, après
qu'il ai pu être lavé pour reprendre un peu de « fraîcheur »
et de contenance.
La journée est longue à s'écouler,
d'autant plus qu'il n'a plus d'alimentation en place. Il est sur des
réserves inexistantes, depuis bien trop longtemps épuisées.
Je prend une décision, qui a le don de
l'irriter en apparence, mais dont je sais qu'il en est reconnaissant
au fond de lui. Je demande aux filles du service de mettre en place
un lit de camp afin que je puisse être présent la nuit à venir,
lors du nouveau test. Cela me permettra d'être là, d'être
attentif, et aussi d'être en relais pour prévenir l'équipe de nuit
en cas de soucis.
Quelques vidéos chargées sur le
portable, et la promesse de tenir informée ma compagne et babeth par
textos ou par appel si besoin. Nous nous doutons tous que la nuit ne
va pas être simple.
Effectivement, elle ne l'est pas. De
nouveau rejet, mais ça empire au niveau des conséquences. Dans ce
qu 'il recrache par voie orale, une partie se dirige dans les
poumons qui commencent à se remplir. Dur de le voir s'affaiblir plus
qu'il ne l'est déjà, de le voir chercher de l'air, de le voir avec
le souffle court. Je me doute bien qu'il sait ce qui se prépare.
Nous ne sommes pas dupes. Plusieurs fois dans la nuit il vomit, et
ses poumons se remplissent inexorablement. Pas possible de l'aspirer
apparemment...mais une promesse du staff de voir l'équipe anti
douleur au plus tôt le matin.
Le matin justement, avec du soutient de
la famille présente, du relais. Je vais souffler un peu, et laisser
la place à ma sœur et à ma belle mère pour qu'elles puissent
toutes deux être là, saisir ces derniers instants. Nous n'avons pas
d'échéance donnée par un toubib, mais nous savons que ça
approche.
Je fais des aller retour, entre la
chambre 423, la cafét, et une douche nécessaire. A chaque fois que
je monte dans la matinée pour le voir, j'entre dans la chambre et en
ressort aussitôt car je le vois accompagné, sa fille à ses côtés,
ou sa compagne.
Cela se dégrade.
Le staff anti douleur est là, tout
comme son hypercapnie. Nous avons déjà tous discutés des
possibilités légales « offertes », afin qu'il ne
souffre pas, et surtout qu'il n'ait plus cette sensation d'étouffer.
Nous savons ce que ça implique, et lui le savait aussi. Un jour, max
deux...mais pas une dizaine d'heures...
L'après midi est plus paisible. Après
la sédation, c'est des temps de silence, d'accompagnement...de
soutient tant que peut se faire.
Le soir approche, et une nouvelle
décision est prise. Cette nuit du 30 juillet, babeth et moi sommes à
ses côtés, en espérant passer la nuit tout les 3.
Un peu de fond sonore, c'est la
natation, une nouvelle victoire tricolore sur fond de marseillaise.
Babeth et moi discutons, la vie continue...et lui choisit de s'en
aller tranquillement, peut être en paix avec le fait de voir (ou
d'entendre) que nous sommes dans le présent. Un peu comme s'il avait
senti que c'était le bon moment pour lui, pour nous.
(la suite, plus tard, mais pas dans 3
mois)
Bon, honnêtement, ça fait du bien de l'écrire non? (enfin non, ça fait pleurer, mais au moins c'est sorti). Tu sais quoi? ça me rappelle les mails que nous avions échangés il y a quelques années sur la mort de maman... ça serait intéressant de les relire maintenant, avec ce nouveau regard. Merci pour la longue discussion de tout à l'heure, ça faisait du bien. J'attends la suite, pas dans trois mois! (au fait, j'ai retrouvé chez papa un roman au titre évocateur : "3 mois pour mourir"... hem...)
RépondreSupprimer3 mois pour mourir, oui on en avait parlé.
SupprimerDiscuter m'a fait du bien aussi, et écrire aussi, même si c'était assez mécanique pour ce billet.
La suite sera plus émotionnelle, et prendra bien plus aux tripes.
la suite... tu veux dire l'après? Le lendemain et les jours qui suivent?
Supprimerdans le ressenti oui, mais aussi lié au jour présent
SupprimerDis... t'oublies pas la suite hein?
RépondreSupprimerC'est un article à lire avec attention,car le sujet concerne tout le monde et vous avez bien su le présenter,félicitaion pour le choix des expressions et je vous encourage pour continuer dans ce niveau !! merci.
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